Karim Ezzeddine, du square des Sports aux terrains de basket du monde

Enfant du quartier de la Fauconnière, Karim Ezzeddine a suivi son rêve de carrière dans le basketball, qui l’a emmené cet été à participer à la coupe du monde. Portrait d’un Gonessien doté d’une grande résilience qui nourrit désormais un autre rêve : passer la balle aux habitants de la ville de son enfance.

Formé aux États-Unis, adulé dans le pays dans lequel il évolue, difficile d’imaginer que le parcours de Karim Ezzeddine a pourtant été semé d’embûches. « Je suis né au Congo, mon père d’origine libanaise était diamantaire et ma mère, congolaise, était une marchande. Ils ont eu trois enfants mais quelques mois après ma naissance en 1997, la deuxième guerre du Congo a éclaté et les rebelles ont tenté de prendre le pouvoir et les terres par la force. Par moments, ma mère nous cachait mon frère et moi sous le lit parce que les rebelles étaient dans le quartier. Mon père a tout perdu. Comme il leur semblait impossible de construire une famille dans ce contexte, nous sommes venus vivre en France ».

 Après un bref passage dans le quartier Saint Blin (autrefois surnommé « Orly Parc »), la famille Ezzeddine s’est installée à la Fauconnière, « au square des Sports » précise l’athlète, y voyant un clin d’œil du destin. « Je l’ai souvent souligné mais les jeunes à l’époque étaient confus, ils ne comprenaient pas ce qu’ils vivaient et n’avaient pas forcément les moyens de sortir du cadre pour penser différemment. La motivation, c’était le sport pour certains, la musique pour d’autres et les activités qui étaient organisées dans le quartier nous ont permis de réaliser que nos horizons n’étaient pas limités ».

Savoir rebondir

 Suivant les pas de son frère aîné immergé dans la culture américaine, Karim Ezzeddine a fait ses premiers dribbles à Villiers-le-Bel et se voyait déjà en haut de l’affiche dès l’âge de 11 ans. « Je me souviendrai toujours de cette scène : j’ai enfilé ma tenue de basket et j’ai couru dans tout le quartier, dans ma tête j’étais déjà un basketteur ». Le quartier de la Fauconnière étant dépourvu de terrain de basket à l’époque, le jeune sportif et « les grands du quartier » avaient formulé une première demande au maire Jean-Pierre Blazy. « Moins il y avait d’activités pour les petits, plus ils se tournaient vers la délinquance », estime-t-il. Le terrain, où Karim et ses frères se sont entraînés, a été construit quelques années plus tard et fut le point de départ de sa carrière. 

La passion pour le basketball a mené le jeune sportif à Nanterre, au centre de formation d’Orléans puis aux États-Unis, terre de la célèbre NBA où il rêvait d’évoluer. Mais après quelques années de formation, le jeune espoir de 21 ans a été repéré par un agent libanais et son destin a une nouvelle fois pris un tournant inattendu. « Au départ, je ne voulais pas aller au Liban, je ne savais même pas qu’ils jouaient au basket là-bas. Mais ça ne se passait pas très bien avec mon équipe, c’était l’opportunité pour moi d’aller dans le pays de mon père et de commencer ma carrière. Et ma vie a changé, parce que je quittais une institution peuplée de personnes qui décidaient pour moi pour créer mon propre système et mon ‘nid’».

Encore une fois, rien ne se passe comme prévu. Son premier contrat est rompu par la révolution libanaise de 2019. Un deuxième en Arabie saoudite est perturbé par le Covid, poussant le jeune basketteur à signer à Paris fin 2020. Mais loin de s’épanouir dans la capitale, il s’est rapidement envolé pour le Bahreïn avant de retrouver le Liban.  

Le devoir de transmettre

D’autant que dans ce pays secoué par les conflits et autres catastrophes naturelles, le basketball est une bouffée d’air frais. « Je ne m’en rendais pas compte mais dans ce genre de pays très fervent, ce sport est d’une importance capitale : tous les matchs sont diffusés à la télévision et l’engouement des supporters est surprenant ». Depuis quelques années, Karim Ezzeddine évolue donc comme ailier fort sous le maillot du Liban et celui du club de Sagesse. Le message qu’il souhaite transmettre dans sa ville natale comme dans le pays d’origine de son père est le même. « Les deux situations sont similaires, avec des populations entourées de contraintes et qui ne disposent pas suffisamment de modèles de réussite. Ce que j’aimerais transmettre avec mon histoire, c’est l’idée qu’on ne naît pas forcément avec tous les moyens mis à notre disposition mais que nous avons tous la capacité de réaliser nos rêves ».

Parmi les rêves récemment réalisés par le jeune Gonessien figure sa participation, cet été, à la coupe du monde de basket aux Philippines, au Japon et en Indonésie. Compétition pendant laquelle l’équipe du Liban s’est inclinée avec un point d’écart contre l’Australie (troisième nation au classement mondial de la Fédération internationale de basketball) et la France. « Lorsque j’étais encore sur les bancs de l’école, je comptais les années qui séparaient les compétitions de basketball et je m’imaginais en 2023 disputer la coupe du monde avec l’équipe de France. Le scénario a été un peu différent et c’était étrange de jouer contre des amis mais cela reste une expérience incroyable ». 

Au mois d’octobre dernier, au cours de l’une de ses visites à Gonesse, Karim Ezzeddine a été reçu par le maire Jean-Pierre Blazy. L’occasion pour le jeune homme d’évoquer ces prochains objectifs : des envies de se lancer dans le design et s’intégrer dans le projet sportif de la Ville. « J’aimerais être un modèle auquel les jeunes puissent s’identifier, mettre en place des choses afin de tracer la voie pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de réaliser leurs rêves ». Dans un premier temps, ceux-ci prendront la forme d’activités et autres événements mis en place avec la Ville.